Jarry, Alfred - Ubu roi – 1896.
Merdre. Ubu, monument de la dramaturgie française, s'ouvre sur ce juron étonnant qui trouve ses origines dans l'esprit moqueur d'un lycéen rennais. Jarry n'a en effet que quinze ans lorsqu'il compose, dans la veine des gestes médiévales, cette pièce aux accents de grosse farce. Ubu, héros de troisième ordre qui synthétise à lui seul tous les travers humains possibles, devient roi de Pologne par un régicide grotesque. Son règne, sa déchéance et les savoureux dialogues qu'il échange avec la mère Ubu, manière de Lady Macbeth, la dimension tragique en moins, constituent les cinq actes de cette pièce conçue à l'origine comme un spectacle de marionnettes. Ubu roi, satire universelle de la stupidité et de la vulgarité, est peuplé de personnages types. Malgré son trait exagérément appuyé qui donne au tout l'aspect d'une blague de potache, cette pièce constitue une véritable aventure créatrice pour son jeune auteur, désormais identifié à son personnage légendaire. Première d'une série de pièces et de textes mettant en scène le Père Ubu, cette facétie, réappropriation de grands textes et invention d'un langage propre, suscita un tollé lors de sa première représentation en 1896. --Sana Tang-Léopold Wauters .
Par ma chandelle verte, je ne suis pas vraiment certaine de savoir quoi penser de cette pièce!
Le père Ubu, personnage principal de cette œuvre, est grossier, peureux, chanceux, idiot, méchant et poussé par l’appât du gain. C’est lui le héro de cette histoire, un héro qu’on ferait bien passer à la trappe pour lui faire ravaler son comportement désinvolte, égoïste et son total manque de respect pour la vie d’autrui.
Bien sûr c’est une caricature, autant dans ses personnages que dans son histoire. Les humains comme les choses sont tracés à gros traits, absurdes et vont exactement là où on les attend. Évidemment, ça dénonce les exagérations et la soif d’argent et de pouvoir qu’on peut souvent, hélas encore aujourd’hui, associer à nos classes dirigeantes. C’est aussi une évidence que cette pièce doit prendre toute sa saveur et sa drôlerie quand elle est jouée par des comédiens, plutôt que simplement lue en silence.
Certes on peut reprocher au Père Ubu son avidité, sa grossièreté et le fait qu’il n’accorde aucune valeur à la vie humaine, hormis la sienne. Mais au début de la pièce on comprend vite que le quotidien du Père et de la Mère Ubu, malgré la bienveillance du Roi à leur égard, n'est pas très rose, faite de petite misère et de privation. On pense bien que dans ces conditions, le respect pour quoi que ce soit est plutôt rare et qu’on acquiert alors une soif de s’en sortir et d’améliorer son sort coute que coute.
C’est peut-être la grande morale qu’on doit tirer de cette pièce. La classe dirigeante, mue par son désir de rester en place et d’acquérir toujours plus de richesse et de pouvoir, brûle et tue tout sur son passage. Les plus pauvres sont prêts à commettre les mêmes crimes pour rester en vie. Bref, les inégalités sociales favorisent la violence et le mépris des autres.
Un autre message qu’on pourrait y voir, c’est que certains se sortent toujours des pires situations sans faire le moindre effort. C’est le cas du Père Ubu qui arrive à se tirer des pires conditions toujours par l’action des autres, par la bêtise générale ou par un simple hasard. Il a de la chance dans son malheur, mais jamais assez de chance pour se sortir de son malheur. Peut-être la morale est-elle l’absurdité de la vie. Peut-être qu’il n’y a pas de morale du tout!
Il est, tout de même à noter qu'Alfred Jarry n'avait que 15 ans lors de l'écriture d'Ubu roi, que cette pièce est considérée que la première oeuvre de la 'Pataphysique qui est, selon notre ami Wikipédia, «une parodie de la théorie et des méthodes de la science moderne, et ses propos sont souvent proches du non-sens ou sont démontrés par l'absurde.» Franchement, je ne suis pas certaine de ce que c'est supposé signifier, mais il est certain que Jarry a influencé par son oeuvre plusieurs écrivains tels que Jacques Prévert et même Boris Vian. L'adjectif «ubuesque» caractérise le triomphe de l'absurde. Alors peut-être que je me casse vainement la tête à chercher une morale là où il n'y a que pure déraison.
Finalement, je n’ai pas beaucoup rit, c’est certain, mais contrairement aux avis que j’ai lu ici et là sur internet, où l’on crie au chef d’œuvre ou à la totale platitude, mon avis sera plus nuancé. Pas génial, certes, mais pas une merdre non plus. Une chose est certaine, cette pièce nous pousse à la réflexion et c'est déjà pas mal!
Lu en 2011.